Vénus, l'ardente « reine du Ciel »

Qui est Vénus ? Sur les origines mythiques de l'étoile du matin et du soir.

Vénus, l'ardente « reine du Ciel »
Vénus dans le ciel de Namibie. Crédit : Petr Horalek, APOD (NASA)

Vous l’avez tous déjà vu briller le soir ou le matin, après le coucher du Soleil, ou avant son lever, quand la nuit se referme et que les portes de l’aurore s’ouvrent à l’orient. Étincelante comme un diamant au doigt d’une déesse, elle est la Reine du Ciel… L’éclat de Vénus ne palpite pas, si vous l’observez bien, au contraire des myriades d’étoiles qui l’entourent, scintillantes et tremblantes. Des étoiles toutes inférieures à elle en luminosité, et qui se dévoile pudiquement le soir après la planète. Ce qui différencie aussi Vénus de toutes ces étoiles immobiles est son mouvement à travers le chemin du zodiaque. Nuit après nuit, elle se déplace, s’élevant au dessus de l’horizon, ou s’abaissant progressivement pour disparaître plusieurs mois. Vénus est un astre errant, « asteres planetes » en grec, qui est devenu le terme commun « planète », toujours en usage aujourd’hui et sans doute encore pour longtemps.

Parmi les sept « astres errants », doués de mouvements et identifiés par les Anciens — incluant le Soleil et la Lune et qui deviendront nos sept jours de la semaine —, Vénus était considérée comme la quatrième. En ce temps-là, Mercure, la planète la plus proche du Soleil, n’était pas vue comme la première de toutes mais la cinquième. La première d'entre toutes étant naturellement le maître de l’Olympe, Jupiter. Saturne occupait la deuxième place, suivie du dieu de la guerre Mars, pour la troisième. Son éclat intense n’échappant à personne, Vénus est toujours décrite comme « la plus grande de toutes ces étoiles ».

Comme nous l’explique Pline l’Ancien, « les notations de couleur sont très importantes dans la discrimination des planètes, et dans la conception chaldéenne la couleur dépendait du rang de la planète ». Et pour ce qui est de Vénus, « elle est de couleur blanche », assure Érathostène à ses lecteurs. Des plantes, des métaux et aussi des minéraux étaient associés à chacune des planètes. Ainsi, pour Vénus, célèbre divinité de l’amour, la fleur par excellence à laquelle elle est unie, était-elle la rose. Sa pierre précieuse aurait été le saphir, et son métal, le cuivre. Des associations très reprises dans l’astrologie dont les racines se situent en Mésopotamie (grands observateurs réguliers des astres, les grands prêtres s’efforçaient de déchiffrer les messages que les dieux leur posaient dans le ciel).

L'étoile d'Ishtar.

Vénus, dont la racine indo-européenne wen signifie « désirer » est, on l’a vu — et c’est connu — la déesse de l’Amour chez les Romains. Dans ses apparences et ses fonctions, elle reprend quasiment tous les traits de son alter ego grec plus ancienne, Aphrodite, dont le culte était répandu dans tout le bassin méditerranéen. Aphrodite, dont le nom pourrait étymologiquement venir de « écume », eu égard à ses origines, a probablement était influencée par les orientales Innana et Ishtar. Les deux puissantes déesses de l’amour ET de la guerre (à la différence d'Aphrodite-Vénus plus pacifique) ne faisant progressivement plus qu’une au IIIe millénaire avant notre ère. Ajoutons que les Babyloniens parlaient d’Ashtar et Ishtar, respectivement l’astre du matin et l’astre du soir, comme plus tard les Grecs et après eux, les Romains. L’étoile du soir et l’étoile du matin. Dans la Grande-Grèce, elles étaient Hespéros et Phosphoros, « l'astre du soir » et « la porteuse de lumière ». Vesper et Lucifer pour les Latins. Deux noms donnés à la même planète. Nombreux étaient dans l’antiquité à penser qu'il s'agissait deux étoiles différentes. « Étoile », un terme trompeur encore utilisé pour évoquer l’« étoile du berger », celle que l'on voit briller la première le soir ou la dernière le matin. On parle bien d’une « étoile errante », une planète.

Vénus est unie au mois d’avril que lui dédiaient les Étrusques. Ils aimaient l'appeler par son nom en grec ancien Apru, qui a donné Aprilis. À noter qu'au sud de Rome, et bien avant sa fondation, les Latins lui rendaient un culte à Ardea, une cité voisine de l’actuelle Aprilia…

Dans la mythologie gréco-romaine, Vénus mariée à Héphaïstos a connu plusieurs passions, dont la plus fameuse est celle qui l'unit au dieu de la guerre, à l’éclat rouge dans le ciel, Mars. Un amour très fort qui explique pourquoi les deux astres ne sont jamais très éloignés l’un de l’autre dans le ciel, nous apprennent les anciens récits.

Aphrodite, Ishtar la « dame du ciel », Innana, Astarté, la Grande-Déesse… Combien de divinités du désir, de la fécondité, de l’amour dont on a oublié le nom ont précédées Vénus ? Symbolisée chez les Babyloniens par le signe sacré d’une étoile à huit branches, l’ardente planète Vénus (la plus chaude du Système solaire) incarne depuis la nuit des temps une puissante et lumineuse déesse.

Les différentes phases de Vénus observée dans un instrument. Crédit : Richard Addis, APOD (NASA)

Voir Vénus dans le ciel

Septembre et octobre 2021, Vénus est Hesperos, l’astre du soir, Vesper. On peut la voir se manifester bien avant toutes les étoiles, très peu de temps après que l’astre solaire se soit enfoui sous l’horizon ouest. Un point brillant surgissant des tons pourpres du ciel au sud-ouest, dans la constellation de la Balance.

Hymne à Vénus

« Mère des Romains, charme des dieux et des hommes, bienfaisante Vénus, c’est toi qui, fécondant ce monde placé sous les astres errants du ciel, peuples la mer chargée de navires et la terre revêtue de moissons : c’est par toi que tous les êtres sont conçus et ouvrent leurs yeux naissants à la lumière. Quand tu parais, ô déesse, le vent tombe, les nuages se dissipent ; la terre déploie sous tes pas ses riches tapis de fleurs ; la surface des ondes te sourit et les cieux apaisés versent un torrent de lumière resplendissante.
Dès que les jours nous offrent le doux aspect du printemps, dès que le zéphyr captif recouvre son haleine féconde, le chant des oiseaux que tes feux agitent annonce d’abord ta présence, puis les troupeaux enflammés bondissent dans les gras pâturages et traversent les fleuves rapides tant les êtres vivants, épris de tes charmes et saisis de ton attrait, aiment à te suivre partout où tu les entraînes. Enfin, dans les mers, sur les montagnes, au fond des torrents, et dans les demeures touffues des oiseaux, et dans les vertes campagnes, ta doue flamme pénètre tous les cœurs et fait que toutes les races brulent se perpétuer. Ainsi donc, puisque toi seul gouverne la nature, puisque sans toi rien ne jaillit au séjour de la lumière, rien n’est beau ni aimable, sois la campagne de mes veilles, et dictes-moi ce poème que je tente sur la nature pour instruire notre Cher Memmius. »

De Nature Rerum de Lucréce