Sirius, reine étincelante des nuits d'hiver

L'étoile la plus brillante du ciel était annonciatrice pour les Anciens. Qui est Sirius ?

Sirius, reine étincelante des nuits d'hiver

« L’Étincelante » tel devrait être le vrai nom de Sirius, l’étoile qui brille le plus dans le ciel terrestre depuis plus longtemps qu'Homo sapiens n'habite la Terre.

À écouter : Sounds of Sirius

Son nom latin d’aujourd’hui nous a été transmis par les Romains, lesquels l’avaient emprunté au grec Seirios qui signifie la « brûlante » ou « l’ardente ». Pourquoi ce qualificatif ? C’est en référence à son lever héliaque (son apparition avant le Soleil) laquelle annonçait, voici plus des deux millénaires, l’arrivée des jours les plus chauds de l’année. Une période que nous appelons aujourd'hui « canicule », du latin Canicula, qui ne signifie pas « fortes chaleurs » contrairement àce que l'on pourrait penser mais « petite chienne ». Quel est le rapport, diriez-vous ? Eh bien, c’est parce que Sirius brille dans le Grand Chien, Canis Majoris. Constellation dont l’apparition avant et après le coucher du Soleil, en été, augurait jadis du début et de la fin des journées les plus chaudes de l'année.

Sirius, l'étoile la plus brillante du ciel, est au plus haut dans le ciel vers 22 heures, début février chaque année. La constellation en forme de trottinette au sein de laquelle elle brille est le Grand Chien (Canis Major). Celle qui domine dans le Petit Chien (Canis Minor) est Procyon. Les deux chiens accompagnent partout Orion. Crédit : SkySafari

Sirius dans l'Égypte ancienne

Dans l’antiquité égyptienne, Sirius avait également un rôle d’annonciatrice. Son lever héliaque — à l’époque en juillet — était porteur d’une grande nouvelle pour les habitants : le Nil allait déborder, inondant de ses eaux boueuses et nourricières les champs qui s’étalent dans la vallée, colonne vertébrale de l’Égypte.

L’étoile sacrée incarnait la divinité Sôpdet ou Sépédet, qui dérive de l’égyptien « pointu », « précis », et que les Grecs nommèrent ensuite Sothis. Son culte était associé à celui de la puissante Isis, transfigurait dans le ciel à côté d’Osiris que l’on connait aujourd’hui sous les traits d’Orion, le Chasseur céleste.

L'apparition de Sirius dans le ciel juste avant le Soleil marquait le passage d’une année à l’autre pour les anciens Égyptiens. Il se murmurait à l’époque qu’au commencement, le ciel était des mêmes couleurs que lors du lever de Sépédet. Elle n’endossa le nom d’Isis-Sothis qu’à partir de la XVIIIe dynastie.

Représentation du Grand Chien dans un livre du XVe siècle. Crédit : DP

Dans la mythologie gréco-romaine dont nous avons hérité, la scintillante Sirius est posée sur la langue de Lælaps, un chien de chasse créé par Zeus pour protéger Europe qu’il a abandonné sur l’île de Crête après avoir abusé d'elle.

Le dieu le plus puissant de l’Olympe avait doté cet animal d’une grande force et de la faculté d’attraper toutes les proies qu’il poursuit. Il ne ratait jamais sa cible, à l’instar du javelot avec une pointe en or qu’avait également offert Zeus. Plus tard, leur fils Minos qui en hérita les offrira à sa fille Procris, grande chasseresse.

La naine blanche Sirius B noyée dans la lumière éclatante de Sirius A. Le scintillement des deux étoiles est provoqué par les turbulences dans l'atmosphère terrestre. Images capturées au Nouveau-Mexique le 24 janvier 2021 par l'astronome amateur Thomas Ashcraft. Crédit : Thomas Ashcraft

Sirius et son petit compagnon Sirius B

En la contemplant les nuits en hiver qu’elle transperce de son éclat bleu vif, Sirius-Sothis semble être une étoile solitaire tremblottant de froid… Or, ce  n’est pas le cas. « La brûlante » a en effet un compagnon, Sirius B, qui fait bien pâle figure à ses côtés. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, car ce petit point que l’on peut apercevoir dans une lunette ou un télescope quand son élongation est plus importante (on est dans une bonne période pour l'observer), avait dans le passé une masse bien supérieure à celle de Sirius A qui domine aujourd’hui le couple. Aussi, les deux astres ensembles, au plus haut de leur forme, devaient-ils donner l’illusion d’un deuxième soleil vus de la Terre. Mais l’étoile massive Sirius B, à bout de souffle, s’est effondrée sur elle-même il y a des millions d’années. Bien avant son compagnon qui, lui, a une vie plus tranquille (deux fois la masse du Soleil).

Ainsi ce petit point blanc que l’on pourrait trouver ridicule est-il une naine blanche, reste du cœur d'une étoile. C’est un corps très dense qui enferme l’équivalent de la masse du Soleil dans une sphère de la taille de la Terre.

Sirius B a été la première naine blanche découverte et étudiée. Les deux astres sont distants l’un de l’autre de 8 à 31 unités astronomiques, ce qui correspond entre 8 et 31 fois la distance Terre-Soleil. Si Sirius A était à la place de notre étoile, Sirius B naviguerait dans notre Système solaire au sein d'une zone comprise entre Saturne et Neptune. Leur distance avec la Terre est actuellement de 8,6 années-lumière seulement, soit le double de Proxima Centauri, l’étoile la plus proche de toutes.

Simulation du lever héliaque de Sirius le 15 juillet 3000 avant J.C. Crédit - S&T, Stellarium